"Le risque, c’est de ne pas les suivre" - retour d’expérience sur une pratique sous-estimée

    Depuis plusieurs années, je m'assure systématiquement d'intégrer le suivi des risques dans la gestion des trains Agile que j'accompagne. Ce n’est pas simplement un "bon réflexe" ou une "pratique recommandée" au bon moment - c’est un reflexe "mandatory", établi dès le PI Planning, suivi toutes les semaines, et intégré dans les rituels de gouvernance.

Ce qui est suivi de manière sérieuse, c’est ce qui est piloté. Et ce qui est bien piloté, c’est ce qui est livré de façon optimale. (Mantra d'un RTE Senior)

Le cadre : SAFe, Scrum et un peu de rigueur

Que l’on aborde Scrum ou SAFe, la gestion des risques ne doit jamais être considérée comme secondaire. Dans Scrum, il incombe au Scrum Master de mettre en lumière les obstacles, de les remonter et de les gérer. En SAFe, le cadre structure cette tâche à l'aide du tableau ROAM, qui est introduit dès le PI Planning pour établir une vision partagée des incertitudes au niveau du train.

Cependant, identifier les risques dès le deuxième jour du PI n'est pas suffisant. Sans un suivi adéquat, ils ne deviennent que des notes autocollantes oubliées. La véritable différence se joue dans la mise en œuvre.

Des formulations souvent imprécises

Un aspect que je remarque toujours : les risques sont souvent mal exprimés. Trop flous. Trop techniques. Trop déconnectés des répercussions réelles. On peut encore lire des affirmations comme :

  "Dépendance à une autre équipe"

  "Pas de planning approuvé"

  "Ressources potentiellement insuffisantes"

Ces formulations n’offrent aucune valeur concrète. Elles ne permettent ni de prendre des décisions, ni de gouverner. Elles restent au niveau de l'impression personnelle ou de la note interne, sans importance collective.

Et c'est précisément à ce niveau que de nombreux trains perdent de leur faculté décisionnelle. Parce qu’un risque mal formulé est un risque ignoré.

Ce que nous avons mis en place

Dès le PI Planning, chaque risque est reformulé si nécessaire. On s’efforce d’en faire une phrase complète, claire et axée sur l'impact :

 "Si [événement] se produit, alors [impact], mettant en péril [objectif, jalon, livraison]. "

Chaque risque est ensuite enregistré dans un tableau visuel, comportant :

• un statut ROAM clair (Résolu, Propriétaire, Accepté, Atténué),
• un responsable désigné,
• et un point de révision prévu. (Coach Sync / Scrum of Scrums)

La réunion hebdomadaire de Coach Sync permet de suivre les évolutions : ce qui change, ce qui devient urgent, ce qui peut être clôturé. À la fin du PI, nous examinons l'ensemble pour évaluer ce qui a été prévu, ce qui a émergé, et ce qui n’a pas été traité dans les délais.

Recommandation simple pour vos équipes

    Un risque adéquat se présente sous la forme d'un “Si / Alors / Conséquence”.

Exemples :

• Si le cadre de test n'est pas opérationnel avant le sprint 3, alors les tests d'intégration seront retardés, ce qui compromet la livraison de la fonctionnalité X. 
• Si la validation attendue du design par le métier n'est pas réalisée d'ici la fin juillet, alors l'équipe devra retarder son lancement sur l'épopée Y. 

Ainsi formulé, le risque devient un véritable outil de gestion. Il aide chacun à saisir les enjeux, le calendrier et la relation avec le produit. Surtout, il établit les bases d'un suivi pragmatique.

Surveiller les risques ne consiste pas à gérer les imprévus. C'est se préparer pour minimiser leur impact.

Et lorsque l'on choisit bien ses mots, on parvient à mieux structurer les actions.

En résumé : 

    Un risque mal formulé est un risque qu’on laisse courir. Et un risque qu’on ne suit pas, c’est une dette qu’on alimente en silence.

Ce retour d’expérience n’a pas vocation à théoriser la gestion des risques. Il rappelle juste que quand on professionnalise/industrialise vraiment cette pratique - de la formulation au suivi, on gagne en clarté, en coordination, et en sérénité.

👉 Vous accompagnez un train agile et vous sentez que le pilotage reste flou, ou que les arbitrages se prennent toujours trop tard ? Il est peut-être temps de structurer les fondamentaux.
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